L'aventure paternelle, contée par un papa parmi tant d'autres... De bisous en câlins, de bouderies en cacas, je n'ai pu que constater qu'être père, ça n'a rien de facile. Mais avec un peu de bonne volonté, beaucoup d'amour et une citerne de savon (biologique, sans parfum, sans colorant, sans phosphate et sans savon...), on peut y arriver! Et les récompenses sont belles...

jeudi 14 octobre 2010

24 août 2009 (suite)...

En route.

C'est difficile, tant pour moi que pour Demoiselle M.A., de croire qu'au retour nous serons trois. Principalement parce que nous sommes exactement un mois avant la date prévue, puis de toute façon, nous n'avons pas encore, sur la banquette arrière, de siège pour bébé. C'est d'une évidence incroyable : quel fœtus digne de ce nom irait naître tout en sachant que la voiture qui le ramènera à la maison n'a pas de siège pour accueillir ses glorieuses foufounes flambant neuves?

Le nôtre, apparemment.

Non content de nous avoir, lors d'une lointaine soirée des Fêtes, pris par surprise, le vilain fœtus aux intentions obscures s'apprêtait à surgir dans nos vies alors que nous n'avions même pas de chambre digne de ce nom, ni de siège d'auto. Si ma mémoire est bonne, nous n'avions pas encore, non plus, de couches pour bébé, ni de d'aucune sorte de lait que ce soit (mine de rien, on ne peut prévoir le succès de l’allaitement...). Bref, mal équipés et la maison inhospitalière, notre meilleur atout à cette heure de la grossesse est notre bonne volonté.

Arrivés à l'hopital, je suis calme : j'ai eu le temps de peser les forces à l’œuvre et j'ai conclu, d'une confiance à toute épreuve, que bébé ne fera pas le grand plongeon aussi tôt. Naaaaaaaah. Aucune chance. Un mois COMPLET d'avance? Pffff. S'il tient le moindrement de son père, il sera plutôt un mois en retard. Hi hi.

On nous accueille, puis on nous fait attendre quelques minutes. Une infirmière vient nous chercher et nous amène à un lit entouré d'un simple rideau, dans une grande salle remplie d'autres lits entourés de rideaux. Le Ritz. Aimée explique la situation à l'infirmière, qui s'active immédiatement afin de faire un test de PH. Le test en lui-même est d'une simplicité inouïe : une bandelette de couleur beige-jaune, imbibée du liquide souilleur de protège-dessous, doit changer de couleur, et si elle passe au bleu, c'est signe que les eaux sont réellement en train de se faire la malle. ÇA c'est un moment de suspense. À vrai dire, le calme qui m'habitait quelques instants auparavant a pris une retraite anticipée et s'en est allé dans des contrées moins tendues. Des terres très stériles, en fait.
Infirmière utilise bandelette. Bandelette passe doucement au vert menthe. Goutte de sueur coule sur ma tempe gauche. Groupe fixe intensément bandelette. Bandelette croule sous la pression. Aimée croule sous la pression. Je croule sous la pression.

Mais bandelette demeure vert menthe.

Pression croule sous elle-même et s'en va rejoindre Calme à Stérile Land.

Tout rentre dans l'ordre. Les astres se réalignent, mon zen (vert menthe lui aussi) respire mieux, sueur remonte là d'où elle est venue.

Je retourne à l'accueil m'entretenir de la pluie et du beau temps avec l'infirmière en poste. Tandis que Demoiselle Mon Aimée Toujours Avec Eaux retire la jaquette de l'hôpital en faveur de vêtements plus confortables et, somme toute, moins hideux, Infirmière de l'Accueil me remet un jerrycan orangé vide. Je résiste à peine à l'envie de lui dire que primo, le réservoir de la voiture est plein, et deuzio, qu'un jerrycan vide est, drette là, d'une parfaite et complète inutilité.
Sentant sans doute mon incrédulité, elle m'instruit : il nous faudra "collecter" l'urine de Demoiselle Mon Aimée Maintenant Habillée Et Prête À Rentrer À La Maison et la ramener la semaine suivante si D.M.A.M.H.E.P.A.R.A.L.M. (et ça se prononce!) n'a pas encore accouché.
Parlant d'elle : elle vient vers nous, un évident inconfort dans la démarche.
"Ce protège-dessous-là aussi je l'ai inondé", qu'elle dit.
-Oui, bon, on ne peut pas passer la journée à -
-Ah, m'interrompt Infirmière de l'Accueil, on va faire un deuxième test, dans ce cas.

Je m'imagine, au bout du monde, Calme qui envoie la main à sa bonne amie, Pression, qui serre contre son cœur un billet aller-simple vers Sam.

-Donne-le moi, fait Infirmière de l'Accueil.
Aimée s'exécute.
Infirmière reteste le PH.
Pression me fait un "high-five".
Bandelette tourne au vert forêt immédiatement.
Puis au bleu (la traîtresse!).

Pression pose une main peu rassurante sur mon épaule. "Je m'installe. Le sous-sol, chez vous, c'est confortable?"

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Le mythe veut que la femme devienne mère progressivement, au fur et à mesure que la grossesse progresse, mais que l'homme devient père d'un seul coup, lorsque l'enfant est finalement né.
Non seulement c'est faux, mais c'est aussi réducteur : l'homme est-il censé croire que le ventre grossissant et les mouvements sont le fruit de gaz? Allons... (Je sais, j'exagère...)

Évidemment, je ne peux parler que pour moi, mais la paternité s'est présentée à moi en échelons. Comme si un événement après l'autre pouvait injecter plus de papa en moi. Un peu comme des niveaux, dans un jeu vidéo (1337!!11!), l'expérience paternelle s'acquiert au fil des combats, des épreuves, et ce, bien avant que l'enfant ne naisse. J'avais déjà un peu de papa en moi quand j'ai commencé de travailler sur la chambre de bébé. En fait, le travail que nous avons effectué sur la chambre consistait plutôt en l'établissement d'une sorte de studio d'art pour Aimée. Nous nous étions alors résolus à ne pas avoir d'enfants, pour des raisons pourtant convaincantes... Peindre les murs du studio, et non d'une chambre à coucher pour poupon, ça a fait saigner un peu mon cœur de père : l'absence de paternité me faisait père avant le temps...

Tu finis par y croire...

Lorsque la bandelette est finalement devenue bleue, j'étais donc déjà père, et depuis longtemps. Depuis bien avant que la grossesse ne commence. Ça n'était pas une paternité officielle et conventionnelle, et je n'en étais pas conscient à l'époque... mais j'étais tout ce qu'il a de plus papa.

3 commentaires:

  1. l'absence de paternité me faisait père avant le temps...

    Je suis certain que t'es fier de ce boutte là... :)
    Très beau!

    Jesuislaracine

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  2. Croire en rien, c'est déjà croire, alors... ;)

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