L'aventure paternelle, contée par un papa parmi tant d'autres... De bisous en câlins, de bouderies en cacas, je n'ai pu que constater qu'être père, ça n'a rien de facile. Mais avec un peu de bonne volonté, beaucoup d'amour et une citerne de savon (biologique, sans parfum, sans colorant, sans phosphate et sans savon...), on peut y arriver! Et les récompenses sont belles...

mercredi 22 décembre 2010

Petit Papa-Noël...

Une petite histoire de Noël, vous êtes partants?

Bien. Je commence...

Hiver 1989 (admettons - parce que je ne me souviens plus très bien de l'année, à vrai dire).

Comme à chaque année, la veille de Noël, ma mère chante la messe de minuit. Elle a toujours été, d'aussi loin que je puisse me rappeler, dans la chorale du village.
(Ça court dans la famille, si vous voulez : au moment de notre récit, c'est son père - mon grand-père, donc - qui dirige ladite chorale. Lorsqu'il quittera le poste de directeur, dans quelques années, c'est une des sopranos qui prendra sa place, qu'elle occupera pendant cinq ans, puis ma mère elle-même prendra la relève. Elle est toujours directrice de la chorale à l'heure où je tape ces lignes...)
Donc, devoir familial oblige, mon père, mon jeune frère et moi assistons "religieusement" à la célébration de Noël en bonne et due forme, puis une fois celle-ci terminée, nous partons dans les peaux de lièvre (de très très gros flocons qui tombent doucement, vous voyez?) vers le village voisin, où mon grand-père paternel (moins musical, celui-là) reçoit ses douze enfants et leur progéniture.
J'ai toujours aimé ces Fêtes de Noël : les adultes au rez-de-chaussée, jouant, buvant, fumant, tandis que les enfants, libres de toutes contraintes, mènent le chaos à brides rabattues dans le sous-sol... La grosse joie enfantine et pure, quoi. Des dizaines de cousins et cousines, courant à travers les blocs Lego, les poupées flambant neuves, les voitures téléguidées, etc... Et, classique, tout ce beau petit monde finissait invariablement dans la pile de manteaux aménagée, on eut cru, à cette fin dans la chambre des maîtres...

Puis papa ou maman nous réveillait. On rentrait à la maison, yeux rougis, corps mous, vêtements empuantis de cigarette, de bouffe et de sous-sol humide. Heureux.
Heureux parce qu'on avait joué à n'en plus pouvoir reprendre notre souffle, mais aussi parce qu'on savait qu'en rentrant, on ferait notre petit Noël à nous, avec des biscuits, nos cadeaux de nos parents, les lumières toutes éteintes sauf celles, multicolores, accrochées au sapin et aux cadres des fenêtres... On déballait, fébriles, puis on allait faire un gros dodo sans même se faire prier ne serait-ce qu'un tout petit peu.

Mais ce Noël-là, celui du récit, ça ne se passe pas de la même façon.

Nous étions partis à la messe sans mon père, resté derrière pour réparer la fournaise à l'huile qui nous avait lâché le soir-même. Commençait à faire rudement froid là-dedans. Le Québec, en hiver, ça ne pardonne pas...

Lorsque nous sommes rentrés de chez mes grands-parents, nous avons trouvé mon père habillé en ours, toujours fignolant dans la récalcitrante fournaise. Le four de la cuisine, allumé et laissé la porte ouverte pour plus de chaleur. Le sapin, clignotant sa joie des Fêtes, même dans la froidure.

"Bon, viarge", fait mon père, "j'm'excuse, mais y va falloir qu'on se réchauffe autrement. J'ai mis des couvartes su'l'divan... Samuel, fait chauffer l'eau..."

J'obéis. Une fois le chocolat chaud et le café dans les tasses, nous nous sommes installés dans le salon, emmitouflés dans des couvertures, pour déballer nos cadeaux. Emmitouflés, mais surtout presque empilés les uns sur les autres, parce que nous avions franchement froid - à la limite de voir nos souffles embuer l'air. Pas de farces.

Ma mère a mis une cassette, un de nos classiques familiaux de Noël - Fernand Gignac ou Bing Crosby, probablement les deux à la suite. On a bu nos chocolats chauds et nos cafés. On a déballé les cadeaux. On a mangé des beignes dans le sucre en poudre, j'imagine, peut-être de la bûche. Des canes en bonbon. Puis mon père et moi nous sommes couchés par terre, collés l'un à l'autre dans deux sacs de couchage zippés ensemble. Ma mère et mon frère, collés sur le sofa. Fallait de la chaleur pour dormir.

On a dormi. Comme des ours en hiver.

Je ne me souviens pas le moins du monde du cadeau que j'ai eu cette année-là (mon jeu de Risk, je crois, mais j'aurais été un peu jeune pour ça). Mais si je ne me rappelle pas ce que le papier d'emballage dissimulait sous ses bonhommes de neiges, ses sapins, ses Pères-Noël, je me rappelle CE Noël aussi clairement que je me rappelle ce matin (peut-être même plus clairement encore).
Pas parce que je fantasme sur le Grand Nord et le gros frette sec, nenon. Pas non plus parce que j'ai un amour étrange pour les sacs de couchage zippés ensemble. Parce qu'on a fait du chaud avec du froid, avec autre chose que du chauffage. Avec une famille. On s'est collés, on a fait un vrai Noël, on s'est changés en Noël : tous des ânes et des bœufs de la crèche, sans le bébé et les anges tous nus.

C'était un petit moment de bonheur entre père, mère, frères.

Et c'est ça que j'espère pouvoir inculquer à Moumou. J'ai conscience de la magie que représente Noël dans les yeux d'un enfant, même si je l'avais oubliée, la magie, l'espace d'une bonne dizaine d'années (et des poussières). Mais le fait de moi-même avoir un clone à impressionner, maintenant, ça te me remet les feux d'artifices, les lumières, les fées et les monstres en place. Le monde que j'avais laissé derrière, mes bibittes, mes histoires, mes farfadets, ça revient.

Je me reconvertis au père-noëlisme pour le bien de ma petite.

Et j'aime ça.

C'est vrai, quand même : on finit par comprendre, certains plus tôt que d'autres, que ce n'est pas le vieux barbu cheminéophile qui apporte les cadeaux. On comprend que ça vient de chez [Grand Magasin]. Et on ne s'en porte pas plus mal, parce que c'est correct de savoir, rendu à cet âge-là.
Mais Moumou est encore toute jeune. Je veux qu'elle anticipe la barbe blanche, l'an prochain ou l'autre d'après. Et je veux qu'elle continue de le faire pendant aussi longtemps qu'elle le voudra, parce que c'est bien. Et je vais l'y encourager avec plaisir, sauf que pour ça, faut que je me permette d'y croire moi aussi, ne serait-ce que l'espace de la période des Fêtes.

Mais avant tout, je veux que Moumou puisse, comme moi cette année-là sans fournaise, voir outre les cadeaux et les gâteries, passé les cannes en bonbon et qu'elle apprécie Noël non seulement pour la musique et les jouets, mais aussi pour ce qui est au cœur même de Noël : la famille.

dimanche 5 décembre 2010

Danger, Moumou Robinson, danger!

Notre relation avec le danger évolue toujours.

L'innocence de la jeunesse a ceci de bien qu'elle permet de prendre des risques qui ne sont plus même imaginables une fois que la raison a envahi l'immédiat. La langue anglaise a cette expression : Ignorance is bliss (plus ou moins : "moins on en sait, mieux on se porte", et je vous passe la référence biblique, parce que je suis gentil aujourd'hui, tiens).

Flashback : vers l'âge de huit ou neuf ans, mes compagnons et moi avions l'habitude de monter dans ce grand pin, au bout de la rue près de chez moi. Arbre énorme. À trois, nous arrivions à peine à faire le tour de son tronc avec nos bras. Mais nous montions dans ce géant, sans égards à son bien-être. Jusqu'à la cime, presque. Et de là, basculant de tous côté par la seule force du vent, nous avions une vue imprenable sur le village, ses toits, son clocher, ses rues.
Tomber n'était même pas une option - l'arbre n'avait-il pas des branches, des centaines de bras pour interrompre une chute éventuelle? Nous étions en sécurité.
(Le pin, comme bien d'autres, a depuis cédé sa place au développement résidentiel, mais je le garde bien au chaud dans mon shack à souvenirs.)

Je n'ose aujourd'hui imaginer ce que ce serait de grimper à nouveau dans un arbre aussi grand. Danger, à chaque branche, à chaque mouvement : et si ça cassait et si y avait un nid de guêpe et si je glissais...

Et si, et si, et si. Danger, danger, danger.

« Je vais bientôt avoir besoin
d'un deuxième diachylon, papa. »
Mais voilà : il n'y a pas que les activités « casse-cou » qui recèlent leur part de danger. Vous êtes-vous déjà arrêtés pour réellement observer vos alentours, pour constater le danger imminent qui, à chaque seconde, vous menace? Pour un poupon, personne à mobilité réduite s'il en est une, tout est un danger : les coins de tables, des pics acérés; les pattes de chaises, autant d'obstacles insurmontables; les jouets qui traînent, une multitude d'occasions de se péter la baboune.

Prenez un geste simple comme marcher. Facile, non? Oh, oui, pour nous ça l'est, parce que ça fait des années que nous alignons pas après pas pour aller et venir où bon nous semble. Mais pour nos clones, c'est tout autre chose.
Ils doivent faire fi de la douleur, des ecchymoses, des pertes d'équilibre, et se lancer, comme ça, dans l'inconnu. « C'est un simple transfert de poids », me direz-vous, « s'agit de le faire! » Ben justement. Pour la petite créature qui s'élance en avant pour la première fois, c'est tout ce qu'il y a de plus effrayant. « Je dois faire confiance à la gravité : elle va ramener mon corps vers le bas en sûreté. Mais cette même gravité, c'est aussi elle qui veut que mon corps continue à descendre, jusqu'à ce que mes douce, tendre et fragiles lèvres, heurtant le plancher à toute vitesse, soient perforées par mes dents de lait. Y a rien là, marcher. Ou bedon je vais m'enfarger dans le chien, qui ne regarde jamais où il va, et je vais subséquemment aller me pétantabarnoucher la fiole sur la table du salon (ils les font bien trop solides). Et une deuxième tête fera son apparition. »

Vraiment, il y a de quoi devenir parano.

Sauf que ça a aussi du bon, parfois. Le fait est que Moumou, dans une autre vie, était fort probablement un aspirateur. Ou un de ces petits robots qui se promènent toute la journée tandis que vous êtes au travail et qui vous ramassent la poussière en un tournemain. Moumou, lorsqu'elle se promène à quatre pattes, le fait en gardant les yeux sur le sol devant elle et, si elle mange parfois très mal à l'heure des repas, refusant complètement et parfaitement d'avaler quoique ce soit, elle nous offre en revanche des performances de championne en rampant partout. La moindre miette malchanceuse se retrouvant sur son chemin, GLOUP!, est aussitôt avalée. Une miette de pain, une miette de chien, une miette de feuille morte, une miette de bouffe de chat, une miette de morceau de pierre. Tout y passe. Et la gueuse a même le culot de nous montrer sa prise avant de se l'enfourner et de mastiquer pensivement le pauvre objet sans défense. Et elle la montre pendant de longues secondes, en nous regardant, l'air de dire : "Tu la vois? Tu la vois plus!"

Donc j'ai hâte qu'elle ait eu assez de bleus pour TOUJOURS se déplacer à deux pattes. Si j'ai à choisir entre un p'tit Band-Aid de temps en temps ou des voyages à l’hôpital pour intoxication, je prends le Band-Aid. N'importe quand.

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Je pèche souvent d'exagération, mais c'est au moins un peu vrai : le fait de marcher comporte plusieurs phénomènes physiques complexes et inter-reliés qui, s'ils ne sont pas exécutés à la perfection, résultent en des bras, jambes, ou orgueils cassés. La gravité, le transfert de poids, l'Acte de Foi de se laisser aller au bon soin des forces de la nature pour se déplacer, ce n'est pas rien. Et on ne parle même pas encore de courir.
Je regarde aller la petite, à la découverte de tout en même temps : les goûts, les sons, les images, les couleurs, les mouvements... La découverte du monde, oui, mais surtout la découverte d'elle-même, par sa relation avec le monde et ses habitants, dont nous sommes, ses joies, ses peines, ses dangers. Beaucoup plus ses dangers qu'autre chose, il me semble, même si ce n'est probablement que le papa en moi qui parle, là. Ce papa qui voit les petites lèvres fendues, les bleus dans le front, les infections aux yeux, les grippes, et qui se demande, lui le grand dadais inapte de tellement de façons que ça devrait être vu comme de la polyvalence, qui se demande comment il a pu survivre à ses premières années. Mes parents ont dû capitonner la place mur à mur. Ou me capitonner, moi.

N'empêche : quand j'ai vu ma petite, pour la première fois, se lever sans appui et faire ses premiers pas, ça m'a fait tout chose dans mon cœur de papa... Elle marche! C'est merveilleux! C’est fantastique! C'est... c'est...

C'est dangereux...

(Entre parenthèses, je prends sans vergogne des images que je trouve sur Internet. C'est mal, je pense. Mais j'espère aussi que quelqu'un, un jour, utilisera le SUPERBE spermatozoïde que j'ai moi-même dessiné dans mon dernier billet. Ça serait pour moi un honneur. Allez, par ces lignes, je vous y autorise. Faites-moi honneur, allez. En attendant d'avoir une tablette à dessin numérique, j'emprunterai les images des autres, parce que Paint avec une souris, c'est la mort de la créativité en ce qui me concerne. Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa.)